Collectif Polonia des Hauts-de-France

POLA NEGRI

21/09/2025

Elle fut une véritable diva, au sens le plus pur du terme. Son étoile brilla au firmament du cinéma hollywoodien avant même Greta Garbo et Marlene Dietrich… Elle devint la première actrice européenne réclamée par Hollywood et aussi à jouer des rôles principaux pendant une période d'épanouissement exceptionnel de l'art cinématographique…

Barbara Apolonia Chałupiec est née le 3 janvier 1897 à Lipno, dans le royaume de Pologne, alors sous tutelle de l’Empire russe. Son père, Juraj Chalupec, un Rom slovaque, était un petit artisan et sa mère, Eleonora Kiełczewska, une Polonaise, était femme au foyer. En 1902, la mère et la fille vont s’installer à Varsovie. En 1906, Barbara commence à prendre des cours de danse. Elle sera l'élève de Michel Fokine, un émule de Nijinski. Après avoir acquis une solide formation de ballerine au Ballet Impérial de Varsovie, interprétant de nombreux rôles du répertoire, elle a dû mettre fin prématurément à sa carrière, après un début de tuberculose. Elle passera plusieurs mois dans un sanatorium à Zakopane.

De retour, elle décide en 1911 de passer des auditions au Théâtre Impérial comme actrice. Le 1er septembre 1912 - à l’âge de 15 ans ! - adoptant le pseudonyme de Pola Negri [Pola, diminutif d’Apolonia, et Negri en l'honneur de sa poètesse italienne préférée Ada Negri], elle fait ses débuts sur la scène du “Théâtre Mały” dans “Vœux de jeunes filles” d'Aleksander Fredro. Les critiques sont tout d’abord mitigées. Sa diction était médiocre et sa voix rauque ne la prédisposait pas au théâtre. Mais bientôt, le succès sera là… facilité par d'excellentes conditions : une belle silhouette, un joli visage, des yeux verts, des cheveux noirs…

1914-Der Tanz der Todes/La danse de la mort (titre allemand de Niewolnica zmysłów)

En 1914, elle va débuter au cinéma dans un film muet de Jan Pawłowski “Niewolnica zmysłów/Esclave de ses sens”, avant d’être engagée par Aleksander Hertz, fondateur de la première société de production cinématographique polonaise “Sfinks”. 
Elle tournera plusieurs films pour Hertz qui fera d’elle une figure de femme fatale…

Suite au déclenchement de la Première Guerre mondiale, Varsovie est occupée par l’armée allemande. Les films de Hertz seront diffusés en Allemagne. Après “Bestia” (1917), la presse allemande va consacrer à Negri de nombreux commentaires élogieux. Ce film sera malheureu-sement le seul film polonais de Pola Negri à avoir été conservé en entier jusqu’à nos jours. Les autres films polonais ont disparu…

1917-Bestia, le seul film polonais de Pola Negri à avoir été conservé en entier

Le succès de Pola attire l’attention du metteur en scène autrichien Max Reinhardt qui l’a fait venir à Berlin. Hélas, le cinéma allemand ne sera pas en mesure d'exploiter immédiatement le potentiel de l'actrice. Cependant, celle-ci va faire une rencontre décisive avec le réalisateur allemand Ernst Lubitsch. En peu de temps, elle tourne avec lui plusieurs films qui révèlent encore davantage son charme magnétique et son talent, portés par un sourire ravageur, un regard ardent, et aussi son jeu affiné et ses qualités de danseuse… “Madame Dubarry”, film muet allemand, sorti en 1919, sera un succès mondial qui fera de Lubitsch un génie de la mise en scène cinématographique [the Lubitsch touch] et de Negri une star internationale. Aux États-Unis, le film sortira sous le titre “Passion”. Ce succès suscita une forte demande pour les films allemands, à tel point qu’au début des années vingt, Berlin allait supplanter Hollywood comme capitale mondiale du cinéma !

En septembre 1922, après avoir divorcé du comte Eugeniusz Dambski épousé trois ans plus tôt, Pola Negri, alors grande star à 25 ans, va se rendre à Hollywood pour créer de nouveaux rôles - toujours sous la direction de Lubitsch arrivé aux États-Unis l’année précédente - dans des films produits spécialement pour elle. La “Paramount” va leur offrir un contrat extrêmement lucratif. Le premier film pour ce studio fut “Bella Donna” (1923), l’un des seuls films où l’actrice joue une véritable « vamp ». La première grande production que Paramount mit en scène avec Pola en vedette fut “The Spanish Dancer/La danseuse espagnole” (1923), adaptation du drame “Don César de Bazan” de Dumanoir et Adolphe d’Ennery. Pola Negri devint la principale rivale de Gloria Swanson.

Ernst Lubitsch a dit de Pola qu'elle était la première actrice européenne à comprendre l'essence du cinéma, et certainement l'une des premières personnalités hollywoodiennes à avoir su attirer l'attention en dehors des salles de cinéma. Elle sera en effet connue non seulement au cinéma, mais aussi dans la presse, qui va relater ses nombreuses romances successives. Star du cinéma muet, ses rôles captivèrent non seulement le public, mais aussi les stars hollywoodiennes. Elle entretint une liaison avec Charlie Chaplin, Rudolph Valentino - l’idole des femmes du monde entier - fut son amant, et le physicien Albert Einstein l'adorait.

Pola et Charlie Chaplin

Pola et Rudolf Valentino

Pola Negri créa le type de femme fatale à la mode à l'époque. Elle devient en quelques années l’une des femmes les plus riches d’Hollywood. Elle s'entoura de luxe et d'extravagance. Ses fourrures étaient toujours authentiques et ses bijoux, toujours les plus chers. Elle transforma ses maisons en résidences dignes d'une princesse… C’était une femme libérée, elle aimait l'exaltation et répandait des rumeurs sur ses amants et ses liaisons. Elle lança la mode du turban, du vernis à ongles sur les orteils et suscita la controverse par son comportement séducteur.

Avec le temps, le jeu raffiné de Pola finira par lasser une partie du public américain. Les scénaristes en profiteront pour lui écrire des rôles plus proches des aspirations du public, avec des effets comiques et dramatiques moins sophistiqués. Une comédie satirique, “Woman of the World/La comtesse Voranine” (1925), oppose d’un côté la vie luxueuse de Pola sur la Côte d’Azur, et de l’autre la réalité d’une petite ville de l’Amérique rurale.

Pola Negri dans Woman of the World

Avec l'arrivée du cinéma sonore, la plupart des stars du muet commencèrent à ne plus avoir de succès. La carrière de la diva marque un arrêt. Sa voix grave et son accent étranger ne séduisent pas les producteurs. En 1927, Negri rentre en Europe. Installée en France, elle fait l’acquisition du château de Rueil-Seraincourt (Vexin) et épouse le prince géorgien Serge Mdivani à Paris. Elle tourne, entre autres, en 1929 au Royaume-Uni son dernier film muet “The Way of Lost Souls /Traquée”, une merveille de sobriété et de beauté. La qualification « d’Anna Magnani du cinéma muet » prend ici toute sa dimension.

Pola avec son mari au château de Rueil-Seraincourt

Pola Negri et Warwick Ward dans The Way of Lost Souls

Pola Negri en 1931

Victime d’une fausse couche, Pola sombre alors dans une profonde dépression, revend son vaste domaine et divorce en 1931. Son mari, grand flambeur, avait avec efficacité réduit le compte en banque de l’actrice…

Encouragée par sa mère, elle reprend sa carrière d’actrice et tourne une dizaine de films en Allemagne et en France mais “Fanatisme” (1934), de Tony Lekain et Gaston Ravel, sera en fait son seul film français.

Pola aura des ennuis parce qu'elle sera accusée d'être d'origine juive. Pourtant, parmi ses admirateurs de l’époque, on compterait même Adolf Hitler ! Cependant, elle va refuser l’offre de Goebbels de jouer dans des films de propagande nazie et retourne aux États-Unis en 1941. 

1934-Fanatisme, son seul film français

1951-Citoyenne américaine

1964-Dernière apparition au cinéma dans The Moon-Spinners

De retour à Hollywood, elle apparut dans la comédie “Hi Diddle Diddle” (1943), avant de prendre définitivement sa retraite d’actrice. En 1951, elle obtient la nationalité américaine. Elle devient devient femme d'affaires. Au décès de sa mère, elle va passer le restant de sa vie à San Antonio, au Texas, sortant seulement une fois de sa retraite pour faire une dernière apparition en croqueuse de diamants sexagénaire dans un film produit par Walt Disney en 1964, “The Moon-Spinners/La baie aux émeraudes”. La même année, elle reçoit un prix pour l'ensemble de sa carrière au Festival International du film à Berlin.

En 1970, elle publie également une croustillante autobiographie, “Memoirs of a Star”.

Pola est décédée à San Antonio d’une pneumonie le 1er août 1987 à l’âge de 90 ans, en léguant presque tout son patrimoine à la St. Mary's University, une université catholique de la ville. En outre, une généreuse partie de sa succession a été donnée aux religieuses polonaises de l'Ordre séraphique. Pola est enterrée au Calvary Cemetery, East Los Angeles (Californie), à côté de sa mère Eleonora, décédée en 1954.

1926-Robert Florey, producteur de cinéma franco-américain

1970-Pola Negri par Pola Negri

2014-Mariusz Kotowski, réalisateur polono-américain

Pola Negri demeure une légende du cinéma. Elle est, à ce jour, la seule actrice polonaise à avoir atteint le statut de star mondiale. Née en Pologne et découverte pour le cinéma en Allemagne, elle avait été bien formée tant au jeu d'acteur qu’à la danse et parlait cinq langues.

Durant sa carrière, elle aura tourné six films muets en Pologne (1914-1917), vingt-trois films muets en Allemagne (1917-1922), vingt-deux films muets aux États-Unis (1923-1929) et dix films sonores (six allemands, trois américains et un français). Elle a sorti également un total de dix singles 78 tours.

Tango Notturno (1937) - Pola Negri

Pola Negri fut l'une des plus adulées et des plus excentriques, sinon des plus talentueuses, stars de l'écran. Avec Clara Bow, Mary Pickford, Gloria Swanson et Greta Garbo, elle est la cinquième étoile majeure de la constellation hollywoodienne en son âge d'or – après avoir été l'une des reines du cinéma allemand.

Los Angeles-L'étoile de Pola Negri, Hollywood Walk of Fame (Promenade de la célébrité)

Łódź-L'étoile de Pola Negri, Łódzka Aleja Gwiazd (Allée des célébrités)

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